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Colloque « Le droit à l’épreuve des drones militaires »

25 novembre 2016

Bilan scientifique

 

Après une année de préparation, le colloque consacré à l’impact juridique des drones militaires a pu se tenir à la date prévue, le 25 novembre 2016, avec la présence des intervenants invités.

Des universitaires, des étudiants et des professionnels ont assisté à la manifestation.

Parmi ces professionnels, des militaires : au niveau local,  la base aérienne de Bricy et le 12e régiment de cuirassiers ont envoyé des représentants ; d’autres sont venus de Bordeaux ou de l’Inspection Générale des Armées, basée à Paris.

Outre les militaires, le monde associatif lié à la Défense était présent, telle la présidente de la société de la Légion d’Honneur ou le président régional de l’Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale.

Enfin, le tissu industriel de Défense avait également ses participants, comme la directrice adjointe Affaires administratives, juridiques et commerciales du GIFAS, le Groupement des Industries Françaises Aéronautiques et Spatiales.

Des enseignants-chercheurs et des étudiants se sont mêlés à ce public de professionnels.

On peut donc établir un bilan satisfaisant de l’intérêt suscité par cette recherche scientifique sur « Le droit à l’épreuve des drones militaires ».

 

Le thème « Le droit à l’épreuve des drones militaires » a été envisagé à une époque très riche en actualités.

Ainsi, chacun a entendu parler des drones aériens, ces avions pilotés à distance, chargés, de façon croissante, d’assurer des missions de surveillance ou de combat dans les zones de conflit. Les Etats-Unis y recourent massivement, notamment en Afghanistan, au Pakistan ou au Yémen. La France, après un temps de retard, renforce ses capacités en la matière.  Par  exemple, l’Etat déploie des drones en appui de l’opération anti-terroriste Barkhane, dans le Sahel.

A côté des drones aériens, les industriels et les agences d’armement des grands pays industrialisés (comme la DARPA aux Etats-Unis et la DGA en France) développent des drones militaires terrestres et marins, là encore, soit dans une optique de combat, soit pour une finalité de surveillance. Pour des motifs d’efficacité et  de coût, on se dirige vers un recours croissant aux robots de guerre.

 

Or, les nouvelles armes que sont les drones soulèvent un certain nombre de questions juridiques, que le colloque a cherché à trancher.

 

Dans un premier temps, la manifestation scientifique s’est penchée sur les conditions juridiques de l’entrée en scène des drones.

Cela a supposé de commencer par identifier juridiquement les drones, c'est-à-dire de cerner leur nature juridique, en tant que biens, véhicules et armes, qualifications qui vont commander l’application de régimes juridiques spécifiques. Ce questionnement sur l’identification des drones n’a pas été statique : effectivement, on parle déjà d’une future génération de drones, ceux dits autonomes, qui seront des systèmes d’armes létaux autonomes, non pilotés à distance. Il convenait donc de s’interroger sur le potentiel cadre juridique applicable à ces robots pas si futuristes, qui peuvent changer prochainement le visage du champ de bataille.

Ces drones sont désormais l’objet d’un véritable marché mondial, Etats et industriels contribuant à leur production et à leur achat/vente. A cet égard, on a pu évoquer le cadre juridique international régissant le commerce des drones, avant de présenter le cas plus spécifique de la politique de production et d’achat de ces matériels par l’Etat français.

Au-delà des processus de développement, de vente et d’achat, l’entrée en service des drones exige essais, entraînements et insertion dans les espaces aériens ou maritimes. A ce titre, il était nécessaire de présenter le droit applicable en la matière, en particulier concernant la circulation des drones aériens. Par exemple, à propos de leurs certificats de navigation et des couloirs aériens qui leur sont alloués. Toutefois, le risque de dommage, à cette étape, n’est pas négligeable : on a alors répondu à la question du régime de responsabilité applicable.

Pour finir la première partie du colloque, on a abordé le sujet de la circulation internationale des drones militaires : souvent, ces derniers sont déployés sur un théâtre d’opération extérieure, depuis la France ; cela implique de respecter un cadre juridique sur le franchissement des frontières nationales et l’utilisation des espaces internationaux.

 

Dans un second temps, le colloque s’est intéressé aux conditions juridiques de l’entrée en action des drones. En d’autres termes, les problématiques attachées au déploiement des drones sur les théâtres d’opérations.

Au premier chef, les drones apparaissent comme des vecteurs de puissance sur le champ de bataille. En conséquence, il fallait revenir sur les conditions juridiques du déploiement et de l’action des drones, au regard du droit des conflits armés et du droit international humanitaire. Le droit international vient ainsi apporter des limites aux potentialités des drones, en encadrant les possibilités de mise en œuvre des autorités militaires, par exemple pour préserver les populations civiles. Néanmoins, on a également constaté que les drones peuvent être employés dans un cadre dérogatoire du droit des conflits armés et du droit international humanitaire : c’est le cas lorsque ces robots sont utilisés au service d’une politique d’assassinats ciblés, ou d’exécutions ciblées extra-judiciaires. Question qui amène à réfléchir sur le sens à donner à la légitime défense au vu de la conflictualité contemporaine. Ces différentes questions sont d’autant plus sensibles que l’on a souligné l’arrivée progressive des drones au sein même des forces de police et de gendarmerie. Aujourd’hui confinés aux opérations extérieures, il semble que les drones seront demain pleinement déployés sur le territoire national, au service des opérations de police.

Cependant, il ne faut pas faire des drones une arme invulnérable. D’une part, les drones sont sensibles à une cyber-vulnérabilité, en tant que robots pilotés à distance, donc dépendants de réseaux de communication, de logiciels, capteurs et informatiques/électroniques embarqués. En clair, les drones peuvent être victimes de cyber-attaques, par virus informatique, vers informatique, décryptage des communications… De nombreux exemples de drones américains, français ou israéliens victimes de ces attaques ont conduit à s’interroger sur le cadre juridique français de la cyber-protection des drones, fait de prévention des attaques mais aussi de riposte. D’autre part, lorsque les drones commettent des dommages au cours d’opérations, il n’est pas impossible de saisir le juge pour engager les responsabilités et obtenir des condamnations/réparations. A cet égard, on a relevé que toutes les responsabilités pouvaient être mobilisées, à des degrés divers : la responsabilité administrative, la responsabilité pénale, la responsabilité internationale. Mettre en œuvre un drone ne procure donc pas une immunité contentieuse, le juge administratif, pénal ou international pouvant être saisi pour réparer les préjudices subis.

 

La conclusion générale du colloque a relevé que, in fine, le droit semble bien à l’épreuve du phénomène de robotisation de la guerre. L’ordre juridique doit s’adapter à ce renouvellement de la technologie militaire. La colloque consacré aux drones militaires, organisé par le Centre de Recherche Juridique Pothier de l’Université d’Orléans, a permis de proposer une réflexion collective sur ce sujet essentiel pour la sécurité collective, mais aussi pour l’éthique juridique et les droits des personnes.

 

Pour traiter de thèmes aussi différents, il fallait nécessairement une approche pluridisciplinaire faisant appel à un large éventail d’intervenants : au total, 15 intervenants ont été mobilisés pour évoquer les différentes facettes du fichier.

 

On peut insister sur la diversité des intervenants : universitaires spécialisés en droit public interne, universitaires spécialisés en droit pénal, universitaires spécialisés en droit international… Au-delà des spécialités, nous avons pu bénéficier d’une diversité géographique intéressante, les intervenants venant des universités de Bordeaux, Caen, Haute-Alsace, Nice, Orléans, Paris XI, Poitiers, Strasbourg… Sans oublier la représentante du Ministère de la Défense qui a intégré l’équipe de recherche.

 

Cette recherche d’ampleur sera concrétisée par la publication d’un ouvrage. A ce titre, il nous faut souligner que c’est la prestigieuse maison d’édition juridique LGDJ (Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence) qui assurera cette publication, après manifestation de son intérêt pour la recherche menée. Nous aurons l’honneur d’une publication dans la collection « Grands Colloques ».

 

Au vu de la très grande richesse des travaux menés, nous ne pouvons que renouveler nos plus sincères remerciements aux partenaires qui ont bien voulu croire en cette recherche et nous soutenir pour permettre la concrétisation de cette étude consacrée à l’impact juridique des drones militaires.

 

Fouad Eddazi

Maître de conférences à l’Université d’Orléans

Organisateur du colloque « Le droit à l’épreuve des drones militaires »

 

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